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HOSHIN
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31 août 2005

Chapitre 5 : Le cycle du temps

Yuan avait perçu une lumière venant du Nord, depuis fort longtemps, l’expression de l’émergence d’un esprit sage, tout comme lui. Cependant, la dernière fois qu’il a suivi ses impressions, il fut conduit face à Jaozhu, et il n’en gardait pas un agréable souvenir. Ainsi, il ne voulait pas aller à la rencontre de ce nouvel être, par peur.

Pourtant, un jour, il faudra bien que les premiers nés se rencontrent… mais l’heure n’est pas encore venue d’en parler.

Yuan ne cherchait d’ailleurs plus aucun de ses semblables. De toute façon, à part cette lumière au Nord, et autrefois la vision du grand corbeau noir, il n’avait rien ressenti d’autre.
Alors, avant d’agir, il parcourait le monde dans tous les sens, afin de le comprendre. Il était très sensé, bien que sa sagesse ne soit pas aussi haute que le « Vieil Enfant ».

Il menait ainsi une vie d’errance, se dirigeant au hasard des chemins. Il ne se doutait pas de la surprise qu’allait lui révéler le destin ce jour-là...

Il passait sur le flanc d’une colline, et l’air avait quelque chose de particulier, une odeur presque familière. Presque envoûté par ces effluves, il s’arrêta au bord du chemin, et contempla le paysage : Une forêt de saules et d’amadouviers ceinturaient le vallon, qui était traversé par un petit ruisseau, fuyant au milieu des arbres, dirigé par le relief, tantôt rapide, tantôt calme.
Yuan suivait le cours du ruisseau, sans comprendre ce qui l’attirait autant. C’est alors que plus loin, là ou le ruisseau était calme, il vit un village.

Ce village pouvait ressembler à n’importe quel autre. Bâti au pied d’un ruisseau, cela permettait d’offrir de l’eau pour les récoltes et les habitants. Un village comme tant d’autres, Yuan en avait vu beaucoup d’autres durant ses pérégrinations. Mais celui là avait quelque chose d’inhabituel, et pour cause …

La vie et le destin suivent un cycle éternel, fait de mort et de vie.
Yuan comprit alors que son voyage était revenu à son origine, et que le village devant ses yeux n’était autre que son village natal. La nostalgie emplit son cœur, il repensait au début de son périple...
Certes, il n’y avait pas que des bons souvenirs. Son exclusion, son isolement, faute d’être différent… et puis le fait d’avoir été banni.

A cause de cette punition, il hésitait à y pénétrer, pensant n’être toujours pas le bienvenu, cependant il osa entrer...
Le village n’avait pas changé de l’image qu’il en gardait dans son cœur. Voyant que personne ne l’arrêtait, il tenta de retrouver son foyer, cette hutte légèrement isolée … Il traversa le village, et vit une petite cabane isolée … les autres habitants ne l’avait pas détruite !
Alors, il coura vers l’entrée, les yeux humides, une émotion palpable dans le cœur. Il ouvrit la porte et …

Une famille était en train de prendre son repas, au milieu de la hutte.
Yuan resta un moment stupéfait, mais la famille était à peu près dans le même état.
« A-t-on idée de rentrer aussi brusquement chez les gens ? » demanda le père de famille.
« Euh… » Balbutia Yuan, gêné
« Chéri ! C’est sûrement un de ces pillards !!! Il vient nous égorger ! » hurla la mère, dont l’inquiétude visible fit prendre peur aux enfants qui se mirent à pleurer.
Yuan ne savait plus où se mettre :
« Ah ... je … il y a méprise ! Ha Ha ... »
« Espèce de brute ! Je vais t’apprendre les bonnes manières moi ! » clama le père qui sortit alors une barre de fer pour attaquer Yuan . Ce dernier partit en courant loin de la maison.

Yuan reprit son souffle, et réfléchit…
« Ah, après tout ... ma hutte était à l’abandon, je comprends que quelqu’un vienne s’y loger … par contre, je crois ne jamais avoir vu cette famille dans le village … »
Intrigué, Yuan se rendit alors dans le cœur du village, à la recherche d’un visage familier, bien que personne ne lui soit vraiment cher …

En début d’après midi, le village était assez animé. Certains partaient au champs, d’autres faisaient encore du marché … tout le monde était en effervescence… seul un jeune homme ne bougeait pas , c’était Yuan, qui avait dans son regard une certaine incompréhension …
« Qu’est-ce que ça veut dire ? Je … je... je ne reconnais personne !!! »

Yuan observa le village dans tous les sens, mais il ne reconnut aucun visage familier. Afin d’essayer de comprendre, il épiait les conversations, mais il n’était pas un très bon espion. De plus, avec sa tignasse blond-chatain clair, il dépareillait au milieu de ce peuple aux cheveux noirs. Ce qui commençait à attirer des regards sur lui.

Puis il entra dans une sorte de taverne, et se cacha derrière une colonne soutenant le toit. Ici, il pouvait sûrement entendre de meilleures conversations. C’est alors qu’il entendit une voix assez forte, qu’il avait déjà entendue récemment. Il tourna sa tête et reconnut le père de famille de tout à l’heure, qui était en train de râler :
« Ah j’vous jure !! On n’est même plus en sécurité chez soi ! Tout à l’heure un petit voleur minable a essayé de rentrer chez moi ! Mais cet imbécile l’a fait à l’heure du repas !
_Tiens, on m’a dit qu’il y avait un jeune homme étrange dans le village, assez suspect. Peut-être est-ce ton homme ! lui raconta un de ses amis.
_Ah si je l’avais devant moi… grrr ... »
Yuan comprit qu’on parlait de lui : « Hum… faudrait peut-être que je m’éclipse… » Pensa-t-il.
Mais alors qu’il voulait sortir discrètement, en surveillant les regards, il ne fit pas gaffe à une poutre au sol et se prit les pieds dedans. De par cette chute, il se fit remarquer, et le père de famille le reconnut :
« Bon sang de bois ! Mais c’est lui !! »

Une nouvelle fois, Yuan dut prendre ses jambes à son cou, recevant quelques chopes de bières dans son dos lancés par les solidaires villageois. Yuan sortit du village en courant, tête baissée.
Il avait alors le cœur rempli de désespoir et d’incompréhension. Il avait du se tromper de village, et sa nostalgie avait déformé sa pensée …
Mais alors qu’il courait comme un dératé (bien qu’ayant distancé ses poursuivants depuis forts longtemps), il percuta une personne !!!
Il se releva, et vit en face de lui une jeune femme.

Cette jeune femme avait de grands yeux très expressifs, des cheveux mi longs très beaux. Yuan la regarda, et son cœur se souleva.
Devant lui, la jeune fille avait été sonnée par le choc, puis elle vit ce garçon en train de la regarder intensément.
« Hey ! Qu’est-ce que tu me veux ? Sale pervers !!! »
La jeune fille adressa un violent uppercut à Yuan qui était resté hébété et qui retomba lourdement sur le sol. La jeune fille était restée une seconde paralysée, puis elle se retourna. C’est alors qu’un nom sortit de la bouche de Yuan :

« Guifei ? »

En entendant ce nom, la demoiselle s’arrêta.
« C… comment connaissez-vous ce nom ? »
Elle se retourna et alla vers Yuan, pour l’aider à se relever. C’est alors qu’elle vit la perle sur son front.
« Oh ! Par les trois saints empereurs ! Se pourrait-il que … ? »
« G… Guifei, tu m’as reconnu … »
Mais la jeune fille resta silencieuse. Elle conduit Yuan à une maison, à l’écart du village. Yuan ne comprenait pas pourquoi ce silence. Puis il entra dans la maison, où des vapeurs d’encens volaient dans la pièce. Alors, la demoiselle leva la tête, et annonça :
« C’est là, entrez … »
Yuan eut un moment d’incompréhension, mais finalement il entra dans l’autre pièce, ou il y avait un grand lit…

Yuan s’approcha alors du lit, et il vit une femme très âgée, les cheveux gris, la peau ridée, mais encore assez rayonnante. C’est alors que les yeux s’ouvrirent, des yeux très profonds, qui surent percer le cœur du jeune homme…
La vieille dame esquissa un sourire, et d’une voix faible, murmura à Yuan :
« Je…. Je savais que tu tiendrais ta promesse, Yuan … »

Yuan était complètement stupéfait. Il refusait de comprendre ce qui était pourtant une évidence. La dame âgée devant laquelle il se tenait n’était autre que son ami d’enfance, Guifei en personne.
Au début, il se demandait pourquoi elle avait vieilli aussi subitement, mais c’es alors qu’il comprit encore un des secrets de son existence, et pourquoi il n’avait reconnu aucun visage familier dans le village : Voici près de 70 ans qu’il avait quitté son village ! Mais sur son visage et sur son corps, il ne portait aucune trace de ses sept décennies. De plus, n’ayant aucun repère avec sa vie de vagabond, il avait perdu la notion du temps.

Yuan était resté silencieux un moment devant la couche de Guifei, puis il répondit enfin, deux larmes coulaient le long de ses joues :
« Je tiens toujours mes promesses, Guifei, en particulier celles qui te concernent ! »
Le visage de Guifei fut éclairci par un large sourire. Ensuite, les deux amis d’enfances enfin réunis discutèrent un moment, de choses qui ne regardaient que d’eux. Guifei ne semblait pas choquée par l’apparence de Yuan, elle avait pressenti qu’il reviendrait ainsi.

Après cette visite, Yuan dut repartir à ses méditations. Il avait appris là une nouvelle facette de sa personnalité, désormais il ne se considérait plus comme un Dieu, mais pour la première fois comme un « immortel ».

Quelques années plus tard, et après avoir battu des records de longévité, Guifei s’éteignit, comme le veut la loi de la nature. Elle avait refusé de mourir tant que Yuan n’était pas revenu, et elle put donc trouver le repos, avec une âme apaisée.

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